Parcours et vision de Mgr André Vingt-Trois : pour le respect de la personne humaine

Depuis de nombreuses années, le cardinal André Vingt-Trois partage son analyse sur les évolutions de la société, et la nécessaire aspiration à un bien commun, plutôt qu’à une satisfaction des individualismes.

« Aucune société ne peut remplir son rôle et témoigner de la valeur de la personne humaine en se contentant de gérer les aspirations des uns et des autres et de légaliser l’état de fait. » (16 mai 1999)

Le cardinal Vingt-Trois est régulièrement sollicité pour s’exprimer sur des sujets touchant à l’éthique, la bioéthique, et les enjeux sociétaux qui en découlent. Il précise souvent que l’Église catholique ne s’exprime pas d’abord ni exclusivement en raison de pratiques ou d’interdits religieux particuliers mais au nom d’une conception de l’homme. Elle a toujours encouragé la médecine, ses progrès et les recherches qu’ils exigent. Mais en matière de recherche génétique, l’Église invite à respecter certaines règles avec rigueur, tout manquement à la dignité d’un être humain étant une atteinte à la dignité de tous :

« L’embryon humain, à quelque stade de son développement qu’on le prenne, est un être engagé dans un processus continu, coordonné, et graduel, depuis la constitution du zygote jusqu’au petit enfant prêt à naître. Les événements particuliers de ce développement ne sont que l’expression, à un moment donné, d’une succession ininterrompue d’événements, où l’étape à venir est comme contenue dans l’étape qui la précède. Définir un seuil d’entrée dans l’humanité est illusoire. » (27 avril 2006)

Il précise le rôle de l’état sur ces questions essentielles :

« L’Église a confiance à la fois dans les ressources du vivant et dans l’ingéniosité des scientifiques pour trouver des voies de progrès médical dans le plus strict respect de la dignité humaine. […] A une époque où beaucoup est possible et où les moyens dont l’humanité dispose sont à la fois immenses et limités, c’est la fonction du politique que d’indiquer aux scientifiques le cadre humain dans lequel leurs recherches peuvent se développer. » (27 avril 2006)

Il précise également en quoi les questions bioéthiques sont un enjeu pour tous :

« Les enjeux de la bioéthique touchent à l’ensemble de l’existence humaine, depuis la conception de l’enfant jusqu’à la fin de sa vie terrestre. Cela transcende les croyances des différentes religions. Tous les hommes doivent y réfléchir car il s’agit de l’avenir même de l’existence humaine. » (18 février 2008)

Sur la question de la procréation, il remet régulièrement le don de la vie en perspective :

« Prier pour la fécondité veut dire encore accepter d’entrer dans un chemin où le désir d’enfant n’est pas l’absolu. C’est accepter d’entrer dans un chemin où le désir d’enfant est au service de plus grand que nous. C’est accepter d’entrer dans une attitude intérieure par laquelle l’enfant est accueilli et non pas fabriqué. C’est accepter d’entrer dans un chemin au long duquel on apprend à reconnaître que la vie nous est donnée comme une grâce et que nous ne la fabriquons pas comme un produit commercial. » (9 mars 2008)

Il rappelle que toute vie est « comme le signe de l’amour de Dieu qui se donne » :

« Nous ne défendons pas la vie, nous défendons l’amour qui se manifeste à travers le don de la vie. C’est cela qui nous conduit à accueillir toute vie humaine comme un don gratuit, sans chercher à la discuter ou à la mettre en cause, à l’accepter ou la refuser selon les circonstances. » (28 mars 2009)

En 2011, il alerte l’opinion et les parlementaires sur le projet de loi bioéthique, en expliquant pourquoi une « certaine conception de l’être humain serait très gravement compromise » si le projet passait en l’état. La question de la protection de l’embryon est au cœur du débat :

« La levée de l’interdiction habituelle des recherches provoquant la destruction des embryons humains ouvrirait largement le champ à une instrumentalisation de l’être humain (...) De plus, la systématisation juridique du diagnostic prénatal nous conduirait inévitablement à un eugénisme d’Etat. Quel message adresserions-nous ainsi aux personnes handicapées que nous affirmons vouloir respecter et intégrer dans la société ? Quel signal donnerions-nous à leurs familles ? Leur dirons-nous que la solution idéale eut été que leurs enfants n’aient pas vu le jour ? Et pourquoi ne pas consacrer les sommes considérables que l’on engloutirait dans ce dépistage systématique pour financer la recherche, en particulier concernant la trisomie 21 ? » (23 mai 2011)

Régulièrement, il pointe les législations qui visent à se débarrasser des plus faibles, malades ou âgés :

« Il s’agit de permettre à des personnes proches de la mort de vivre leurs derniers moments de la façon la moins douloureuse, la plus confortable possible, et surtout dans un accompagnement humanisé. La question n’est pas de savoir comment faire mourir les gens plus tôt, mais comment les accompagner à mourir dignement. » (11 juillet 2013)

Il met sur le même plan la défense de l’enfant à naître, l’être fragile parce que handicapé, et la personne en fin de vie :

« Aujourd’hui, beaucoup, sans oser le dire, voudraient établir des hiérarchies dans les qualités de vie. L’enfant qui n’est pas né ne serait pas digne d’être humain, alors que pourtant c’est le même être qui repose dans le sein de sa mère, et qui va venir au monde par sa naissance. D’autres dénient aux personnes handicapées qui n’ont pas la plénitude de leurs capacités le droit d’être reconnues comme dignes de l’existence humaine. D’autres encore, épiant les signes de fragilité, d’usure, de maladie incurable, s’imaginent qu’ils peuvent disposer de ces vies humaines qu’ils estiment ne plus être humaines. » (5 mai 2014)

Concernant l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, André Vingt-Trois appelle à une réflexion prenant en compte la responsabilité collective à l’égard du statut de la filiation. Dès le 15 août 2012, il invite chacun à prier :

« Pour les enfants et les jeunes ; que tous nous aidions chacun à découvrir son propre chemin pour progresser vers le bonheur ; qu’ils cessent d’être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère. » (15 août 2012)

Il encourage les catholiques à « se manifester, par la parole, par l’organisation de rencontres, par tribunes dans la presse… », pour qu’ils apportent au débat national leur contribution réfléchie (Émission Face aux chrétiens, 7 novembre 2012). Interrogé dans le cadre des débats à l’Assemblée, il remet très vite en perspective les conséquences du projet sur les problématiques de filiation :

« Or, on est frappé ici par l’absence de référence aux conséquences prévisibles pour les enfants. Comme si le projet ne visait qu’à satisfaire les attentes des adultes, auxquels, par ailleurs, il semble reconnaître un « droit à l’enfant. » L’absence complète de référence aux droits de l’enfant, en particulier celui de connaître ses origines réelles et d’être élevé par ses parents, l’effacement complet de la référence biologique et symbolique au profit de la référence sociale déstabilisent les instruments d’identification de la filiation. » (29 novembre 2012)

Il alerte également le législateur sur les conséquences logiques de cette loi sur la procréation assistée et la marchandisation des corps :

« L’intention exprimée d’un certain nombre d’élus et d’associations d’obtenir l’accès à la Procréation Médicalement Assistée aboutirait un jour ou l’autre, puisque l’on se situe dans la logique d’un droit à l’enfant. Or, la PMA serait nécessairement discriminatoire puisqu’elle ne serait accessible qu’aux femmes et non aux hommes. À moins que le législateur ne revienne sur l’indisponibilité du corps humain et ne s’engage dans la Gestation Pour Autrui avec ses dérives, déjà connues ailleurs, de marchandisation et d’aliénation des femmes. Il ne suffit pas de repousser cette question à un autre projet de loi pour y répondre. » (29 novembre 2012)

Il reprend ces mêmes arguments cinq ans après, alors même que le Président de la République, M. Emmanuel Macron, envisage d’avancer sur les projets de PMA pour femmes seules et couples de femmes.

« L’avis du CCNE est suffisamment partagé et nuancé (…) pour comprendre qu’il s’agit d’une question qui n’est pas simple. (…) C’est important de mesurer que l’on engage une réforme qui ne touche pas simplement à la possibilité pour des femmes d’avoir un enfant. Cela touche à la conception générale de l’existence, au droit de l’enfant à connaître ses origines, au droit de l’enfant à pouvoir se référer à un père, au droit de l’enfant à ne pas être pris simplement comme un objet de désir. (…) Si le principe c’est l’égalité, c’est la voie ouverte à la GPA. » (22 septembre 2017)

Homélies, catéchèses ou interventions sur les sujets éthiques et bioéthiques :

Livre :

Cardinal André Vingt-Trois