Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à l’occasion des 150 ans de l’église Saint-Georges de la Villette

Dimanche 28 avril 2024 - Saint-Georges de la Villette (19e)

 5e dimanche de Pâques – Année B
 Ac 9,26-31 ; Ps 21,26-29.31-32 ; 1 Jn 3,18-24 ; Jn 15 1-8

 Voir l’album-photos de la célébration.

Nous venons d’entendre dix fois de suite le verbe « demeurer ». Deux fois dans la seconde lecture et huit fois dans l’Évangile : « demeurez en Dieu, demeurez en Jésus, Dieu demeure en nous ». Voilà la méditation que nous offre l’Église aujourd’hui, à travers les lectures que nous venons d’entendre. Et ce verbe demeurer, dans le sens de rester, de garder, est associé à plusieurs autres actions qui sont de garder la Parole de Dieu, de s’adjoindre à la communauté des disciples : c’est l’histoire de Paul - j’y reviendrai tout à l’heure - de porter du fruit, un fruit qui dure, un fruit qui soit conforme à la volonté de Dieu. C’est important que nous retenions cela aujourd’hui. Le mot est tellement répété que nous ne pouvons pas l’ignorer et que nous devons quelque peu méditer à son sujet.

Nous comprenons que ce qui compte c’est de rester dans la Parole du Christ. Jésus l’a dit lui-même : cette Parole vous a purifié, parce que vous l’avez écoutée, parce que vous l’avez reçue, parce que vous avez cru que cette parole était une parole de salut, une parole qui fait vivre, une parole qui rapproche de Dieu, une parole dans laquelle nous sommes sans cesse renouvelés. Mais aussi, il s’agit d’être intégré au Corps du Christ. Il ne s’agit pas simplement d’être dans une communauté, dans une association, dans un groupe humain : il s’agit d’être dans l’Église, intégrés au Corps du Christ. Voilà ce à quoi le Christ lui-même, dans cet évangile, nous invite. Accueillir la Parole de Dieu, nous le faisons dimanche après dimanche, jour après jour peut-être, nous méditons cet Évangile qui est au cœur de notre vie et qui nous transforme. Ce ne sont pas simplement quelques belles paroles qui de temps en temps nous alertent, mais si nous nous laissons habiter par cette Parole, si nous nous laissons demeurer en elle, elle nous transforme peu à peu. Si nous aimons la lire, l’écouter, la partager avec nos frères, si nous aimons nous la redire jour après jour, si nous avons quelques-uns des mots ou quelques-unes des phrases toujours au plus profond de notre cœur et que nous aimons les porter en nous et autour de nous, alors nous sommes déjà transformés par cette Parole.

De même, si nous sommes dans la communauté chrétienne comme faisant partie du Corps du Christ, comme étant complétement renouvelés intérieurement - et nous le sommes ensemble, nous le sommes les uns avec les autres - nous ne pouvons pas nous ignorer, nous sommes faits pour apprendre à nous connaître, les uns les autres, comme des disciples.

Alors nous pouvons comprendre, peut-être plus concrètement, ce que cela signifie quand nous entendons l’histoire de l’apôtre Paul. Dans le paragraphe que nous avons entendu dans la première lecture, nous avons peut-être été frappés par ce mot « Saul cherchait à se joindre aux disciples ». Évidemment, le récit qui est ici se trouve juste après le récit du chemin de Damas : c’est dans le même chapitre 9 des Actes des Apôtres que se trouve ce passage dans lequel nous entendons le récit de Paul terrassé sur le chemin de Damas et transformé par la Parole de Dieu, la Parole du Christ, en disciple de Jésus. Mais autour de lui il y avait beaucoup de méfiance, il n’avait pas commencé en faisant du bien au Corps du Christ, à la communauté chrétienne naissante, il avait voulu au contraire la persécuter. Et on comprend que, revenant à Jérusalem, il soit regardé avec soupçon et qu’il ait du mal à s’adjoindre au groupe des disciples. Il lui faudra Barnabé, dont le nom signifie « Fils de réconfort », et qui a déjà montré ses qualités de disciple du Christ en partageant son bien avec le reste de la communauté. Il lui faudra ce Barnabé pour être introduit dans le Corps du Christ vraiment, pour être un membre du Corps du Christ et pour devenir aux yeux de tous celui qui va évangéliser en-dehors de la communauté. Le fruit que porte Paul, parce qu’il a écouté la Parole de Dieu, parce que cette Parole l’a traversée, parce qu’il la garde dans son cœur, qu’il la médite et qu’il la partage autour de lui, c’est d’avoir ouvert l’Église à d’autres communautés, à d’autres groupes, à d’autres peuples, d’être nourri de l’Esprit missionnaire. Voilà le grand fruit qui est le sien. Il ne s’arrête pas sur sa communauté d’origine qui est la communauté juive. Il ne s’arrête pas sur la communauté de Jérusalem. Il ne reste pas à Damas où il a été converti, mais il va sur les chemins et il va traverser la mer. Il va quitter les rives asiatiques pour entrer en Europe et nous ouvrir l’Évangile.

Le fruit de saint Paul c’est la mission. Et à travers des siècles, et jusqu’à nous, jusqu’à la création de cette paroisse il y a 150 ans, et encore aujourd’hui, l’Église a été animée par ce désir d’aller de plus en plus près à la rencontre des populations diverses qui sont autour d’elle. En créant ici une paroisse, c’est bien sûr l’esprit missionnaire qui animait l’Église de Paris il y a 150 ans, et qui, je le crois, continue de l’animer. Que ce soit pour nous un beau signe, l’esprit de saint Paul, l’esprit des évêques, mes prédécesseurs, celui qui avait été martyr lors de la commune de Paris en 1871, de celui qui a voulu cette église et cette paroisse, et de tous ceux qui l’ont servi comme je le disais tout à l’heure. Cet esprit missionnaire doit continuer de nous habiter, c’est ainsi que nous recevrons la Parole, c’est ainsi que nous serons membres du Corps du Christ, et c’est ainsi que, peut-être, nous ne serons pas étonnés de la conclusion du passage des Actes des Apôtres : l’Église était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie. Elle se construisait, elle marchait dans la crainte du Seigneur, dans son amour : réconfortée par l’Esprit Saint, elle se multipliait.

Vous avez évoqué tout à l’heure les catéchumènes, les nouveaux baptisés, les néophytes, ceux qui veulent rejoindre l’Église, s’adjoindre au Corps du Christ, s’adjoindre aux disciples du Seigneur. Voilà que cela continue aujourd’hui.

Par les Actes des Apôtres, on sait très bien aussi que l’Église n’est pas toujours en paix. Dès les débuts de l’histoire de l’Église, il y a de la trahison, il y a de la persécution, il y a des violences, il y a aussi du mensonge et des malversations dans le comportement des disciples, mais cela n’empêche pas que l’Église soit en paix, que l’Église, écoutant la Parole de Dieu et se rassemblant, soit une Église pacifiée, une Église qui sait qu’elle peut compter sur le Seigneur pour retrouver toujours, jour après jour, malgré les épreuves et les difficultés, la joie de la mission. C’est ce que nous demandons au Seigneur. Ne soyons pas étonnés qu’au milieu des troubles nous puissions être en paix les uns avec les autres, parce que nous avons un objectif profond qui est de faire connaître l’amour de Dieu à tous.

Que le zèle missionnaire ne nous quitte jamais. N’ayons pas peur des difficultés que notre vie chrétienne personnelle et notre vie chrétienne de communauté peuvent rencontrer : l’Esprit du Seigneur nous met dans la paix et nous ouvre à tous pour annoncer son Salut.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

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